Lors d’un meeting politique organisé récemment par le parti Les Démocrates à Abomey, une femme militante, micro en main, a affirmé que « sous Yayi, le CIP était gratuit », ajoutant qu’elle « allait dans les écoles pour l’avoir ». La capsule vidéo, publiée sur le compte TikTok officiel du parti, a rapidement été relayée sur d’autres réseaux sociaux. Elle suscite depuis une vague de réactions, entre moqueries, interrogations et indignation.

La militante du parti Les Démocrates, visiblement exacerbée par la récession économique généralisée, n’a pu faire la distinction entre le Certificat d’identification personnelle (CIP) et la carte Lépi. Devant une foule qui l’écoutait attentivement, elle a déclaré que le CIP était délivré gratuitement sous le Président Thomas Boni Yayi. Elle enchaine en disant qu’il suffisait qu’un crieur public sillonne le quartier, les invitant à sortir et le tour est joué dans la cour d’une école. Mais aujourd’hui, sous le Président Patrice Talon, elle débourse environ 2500FCFA pour le même service. Pire, tente-t-elle de dénoncer, les agents en charge de l’enregistrement des demandes ne leur donnent aucune considération.
Plus loin, elle a ajouté d’autres problèmes sociaux tels que la cherté de la vie. Elle a comparé le prix du maïs sous les deux différents régimes. Mais ce qui nous intéresse dans cette publication, est la délivrance du CIP. Elle a donc saisi pour inviter les populations à descendre de leur « talon » en 2026 pour que le service redevienne gratuit.
Le CIP n’existait pas sous Boni Yayi
Le Certificat d’identification personnelle (CIP) est un document administratif créé après le lancement du Recensement Administratif à Vocation d’Identification de la Population (Ravip), en 2017 par la Loi n°2017-08 du 19 juin 2017 portant identification des personnes physiques en République du Bénin, sous la présidence de Patrice Talon. Le Décret N » 2017-377 du 02 août 2017 fixant les modalités d’enrôlement au Ravip n’avait jamais existé sous la gouvernance Yayi. Sans le Ravip, il est impossible de générer le CIP. Or, l’opération d’enrôlement de la population a commencé en 2018 et a permis de doter chaque citoyen d’un Numéro Personnel d’Identification (NPI), à partir duquel est généré le CIP.
De plus, Boni Yayi a quitté le pouvoir en avril 2016, soit avant la naissance du Ravip. Il est donc impossible, d’un point de vue chronologique, que le CIP ait été délivré sous sa présidence. Si ce document n’a pas pu être délivré sous le régime de la refondation, il est donc évident que ce qui n’a pas existé ne saurait être gratuit. Il faut qu’il existe d’abord avant d’être onéreux ou non. Mais qu’est-ce qui peut amener une militante à entretenir cette polémique ?
L’intervenante aurait-elle confondu CIP et LEPI ?
À l’écoute attentive des propos de la dame, une hypothèse peut être formulée : elle confond peut-être le CIP avec le processus d’enrôlement sur la LEPI, la Liste Électorale Permanente Informatisée, qui a effectivement fait l’objet de campagnes d’enregistrement dans les écoles, de manière gratuite, à l’époque du régime Yayi.
La LEPI, mise en place à partir de 2009 et opérationnalisée en 2011, visait à moderniser le fichier électoral béninois et a permis l’utilisation de cartes d’électeurs biométriques. Le mode opératoire de recensement de la population dans des établissements scolaires pourrait expliquer la confusion dans la mémoire collective, surtout pour des personnes peu familières avec les notions administratives récentes. Il convient donc de clarifier que la LEPI et le CIP sont deux dispositifs distincts. La LEPI est un outil électoral, utilisé uniquement pour les scrutins et le CIP est un document administratif permanent, qui sert à l’identification pour l’ensemble des services publics. Même si depuis quelques années les Béninois se servent du CIP pour voter, il ne saurait être comparé à la LEPI.
Contacté pour connaître les motivations de cette déclaration, Karim Goundi, membre de la cellule de communication du parti Les Démocrates répond: « la dame a fait une confusion. Le CIP n’existait pas sous le Président Boni Yayi. Le problème que nous rencontrons sur le terrain est que les administrations refusent de délivrer les actes à nos militants. On les traine, les fait faire des allers retours sans satisfaction. C’est comme si l’administration ne veut pas que les opposants disposent des pièces devant leur permettre d’aller aux élections«
En définitive, la militante du parti de la flamme s’est peut-être, de bonne foi, trompée. Elle aurait fait une confusion entre la carte issue de la liste électorale permanente informatisée qui avait une durée de dix ans et le certificat d’identification personnelle qui ne dure que deux ans pour l’heure. Un document purement électoral ne peut qu’être gratuit mais un document administratif relève de la responsabilité de chaque citoyen. Il s’en suit donc que le CIP n’a jamais été délivré gratuitement au Bénin.
Cette vérification a été effectuée et l’article rédigé puis publié par Parfait FOLLY

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