Dans une publication sur sa page Facebook datée du 27 novembre 2023, Ganiou Soglo s’inquiète de l’évolution de la dette publique du Bénin. Il affirme notamment que celle-ci est passée de 2 101 milliards FCFA en 2016 à 6 500 milliards FCFA en 2023, un bond qu’il qualifie d’ »exploit » ironique et qu’il assimile à un endettement excessif du pays. Il revient à la charge le 6 juillet 2025 sur Esae TV.

Les chiffres avancés par G. Soglo sont donc inexacts. Il soutient mordicus que le Bénin s’est endetté entre 2016 et 2025. Pour le fils de l’ancien président de la République Nicéphore Soglo, les chiffres sont alarmants et méritent qu’on s’y attarde. L’ancien ministre des sports sous le régime du changement estime que le pouvoir de la rupture a exagéré en la matière et invite les Béninois à constater avec lui l’écart vertigineux qu’il y a entre la dette d’il y  a dix ans et celle d’aujourd’hui. Une alerte qui semble légitime mais qui n’a aucun fondement scientifique. Contrairement aux données avancées par M. Soglo, les documents budgétaires disponibles – notamment le rapport d’exécution budgétaire 2023 et les documents de politique budgétaire du ministère de l’Économie et des Finances – démentent cette évolution spectaculaire.

Quand les chiffres officiels confondent Ganiou Soglo

En effet, en 2016, l’encours de la dette (état au 31 mars) était d’environ 2 101,17 milliards FCFA, peut-on lire sur le site de financial afrik. À la fin 2023, les ratios de dette/PIB du Bénin sont restés dans la zone normale. TradingEconomics note que la dette publique représentait 53 % du PIB en 2023.  Selon un rapport de la Banque mondiale, ce ratio a ensuite légèrement diminué. Par exemple, fin 2024 il était de 53,4 % du PIB. Ce qui signifie que l‘encours de la dette a grimpé légèrement. En valeur absolue, la CAGD rapportait un encours d’environ 6 843,84 milliards FCFA au 30 septembre 2024 contre6 756,90 milliards à fin juin 2024. Le gouvernement prévoyait ainsi un encours de 6 968,9 milliards d’ici fin 2024 (soit 53,7 % du PIB). Ces chiffres officiels montrent une augmentation d’environ 4 740 milliards de FCFA entre fin 2016 (2 300 milliards) et septembre 2024 (6 843 milliards), soit bien en dessous des 6 500 milliards prétendus pour 2023 par M. Soglo.

Il s’en suit que les chiffres avancés par Ganiou Soglo sont exagérés et erronés. La dette publique du Bénin n’a pas atteint 6 500 milliards FCFA en 2023. Elle était plutôt autour de 5 300 milliards, selon les sources officielles disponibles notamment la Banque mondiale et le Fmi.

Pour mieux comprendre cette évolution, nous avons interrogé économiste et enseignant-chercheur à l’Université d’Abomey-Calavi, spécialiste des finances publiques qui a requis l’anonymat. Il soutient que Ganiou Soglo s’est complètement éloigné des réalités liées à la dette publique.  « Il est important de ne pas regarder la dette de manière isolée. Ce qui compte, c’est la soutenabilité de la dette, c’est-à-dire la capacité de l’État à rembourser sans compromettre les investissements. Le Bénin, contrairement à ce que suggère M. Soglo, est encore largement dans les normes. Sa dette représente environ 55 % du PIB, bien en deçà du seuil d’alerte de 70 % pour les pays de l’UEMOA. » … « Par ailleurs, les chiffres de 6 500 milliards avancés ne correspondent à aucun document officiel. À fin juin 2023, l’encours de la dette était d’environ 5 339 milliards FCFA. Ce sont des données vérifiées par les bailleurs de fonds eux-mêmes », rassure l’universitaire.

En 2023, la note de crédit du Bénin a même été relevée par Moody’s, signe de la confiance des investisseurs dans la gestion budgétaire du pays. En somme, si le débat sur la dette publique est légitime, il doit être fondé sur des données fiables. Les chiffres exagérés peuvent conduire à des peurs infondées et nuire à l’analyse objective de la situation financière du pays.

Bertin KOOVI enfonce le clou

Ce que Bertin Koovi a relevé sur la même chaine de télévision au lendemain de la sortie de Ganiou Soglo, soit le 8 juillet 2025. Il a démontré, disait-il, sur la base des documents du ministère, que la dette du Bénin est soutenable. Il était même disponible pour un débat contradictoire en brandissant des documents officiels. Seulement que ce débat n’aura jamais lieu, du moins à l’heure où nous mettons cet article en ligne.

En sommes, les affirmations de Ganiou Soglo sur la dette béninoise reposent sur des chiffres inexacts. L’encours n’a pas atteint 6 500 milliards FCFA, et la progression réelle entre 2016 et 2023 est moindre (environ +3 000 milliards selon les données officielles). Par ailleurs, le ratio dette/PIB reste maîtrisé autour de 53–54 %, en deçà des limites communautaires, selon les chiffres de la Banque mondiale. Le gouvernement de Patrice Talon reste confiant et soutient d’ailleurs que l’économie nationale se porte bien, comme le prouvent les notations des institutions internationales. Même s’il faut reconnaitre que l’encours a connu une augmentation entre 2016 et 2023, l’écart n’a pas atteint son apogée.

Cette vérification a été effectuée et l’article rédigé puis publié par Parfait FOLLY